Friday, December 17, 2010

wikileaks suite: a propos d'un article de luis de Miranda dans Libe

Dans Libé, Luis de Miranda, jeune philosophe qui réfléchit sur Internet et le numérique (il est l'auteur d'un Etre libre au temps des automates) exprime un point de vue très pertinent sur l'affaire wikileaks, bien plus intéressant que ceux publiés par le libé des philosophes (http://www.liberation.fr/monde/01022307847-reaction-sur-wikileaks-qui-regne-par-le-code-tombera-par-le-code ). Il écrit en substance que désormais dans ce nouveau monde, c'est celui qui maitrise les codes, c'est à dire qui peut paramétrer et modeler les code sources du système (d'où les systèmes open source) qui a le pouvoir et mène le jeu. Il s'agit de connaitre le langage de programmation numérique (langage html, javascript ...)de se faire informaticien ou hacker pour exister maintenant dans le monde de l'information ( et du savoir, de la culture). François Bon dit a peu prés la même chose aux écrivains et les enjoint fortement à "s'y mettre"(voir son site-blog: Tierslivre.Net)
C'est que l'information est désormais un objet hyper technologique et correspond à un système technique particulièrement puissant: le réseau.
Surgit alors une angoisse: que devient on si on ne maitrise pas les codes en question, et même si l'on n'y connait rien? comme c'est le cas de beaucoup de gens, y compris certains (vieillissant) qui sont au pouvoir. En France, on le constate souvent: on tombe sur des dirigeants qui savent à peine se servir d'un ordinateur (et pourtant ils restent au pouvoir). A lire l'article, on se dit que celui qui ne maitrise pas ces codes et n'y comprend rien va être complétement exclu, balayé, éliminé. Alors il n'y a pas d'autre choix que de s'y mettre, pour simplement s'adapter et survivre. La fracture numérique révèle ici une sorte de darwinisme technologique qui va gravement cliver l'humanité. Et pourtant s'y mettre, cela ne va pas de soi. La logique de programmation numérique demande du temps et une certaine tournure d'esprit pour être maitrisée. Langage html, javascript, CSS: cela reste ésotérique pour le commun des internautes. Tout le monde n'est pas hacker...
Enfin,Luis de Miranda parle des jeunes (les digital natives comme on dit) qui ont l'algorithme dans la peau pour sans doute les opposer aux "anciens", qui ont l'analogique dans le sang. La formule est à nuancer: les jeunes utilisent certes de nombreux services fondés sur les algorithmes mais ne les maitrisent pas pour autant à la source. Ils sont des utilisateurs, et non pas tous de géniaux hacker ou programmeur (comme Mark Zuckerberg ou Julian Assange). Et puis, par ailleurs, ces mêmes jeunes (en france mais aussi en Italie, en Grèce) vivent cette situation terriblement paradoxale : rompus aux outils numériques, ils arrivent face à une société verrouillée , un marché de l'emploi fermé, et un immobilier inaccessible (+ 20% a Paris!!!). Alors on se dit, c'est bien beau le nouveau monde numérique, mais si je peux même pas accéder à des biens un peu plus primaires...Autrement dit, si l'on plane dans les nuages du numérique (le cloud computing précisément), on sera amené a redescendre les pieds sur terre. Plus dure sera la chute!

Friday, December 10, 2010

A propos de l'affaire wikileaks: "systéme totalement automatique"

L'affaire Wikileaks,véritable feuilleton digne de 24 heures (révélation des fuites, arrestation de Julian assange), storytelling spontanée en temps réel, donne lieu à un débat mondialisé, une nouvelle querelle entre les anti wikileaks et les pro, partisans du secret et apôtres de la transparence. Les anciens seraient du coté du secret, et les modernes de la transparence.

L'ère de la transparence absolue s'inscrit dans la logique même d'Internet, on enjoint les gens à parler d'eux. Il n'y a pas de vie privée dit le créateur de facebook. Et beaucoup adhèrent à ce principe.

Le "fascisme informatique" rapelle la formule de Virilio:la "bombe informatique". Autrement dit, cette transparence totale est lié à la puissance du système technique, dans lequel on est pris et que personne ne contrôle vraiment. Julian Assange est un leurre, destiné à capter l'attention des anti et des pro, et destiné à nous faire croire que le bon vieil être humain contrôle encore les choses (un peu comme quand on arrête un internute qui télécharge).Comme Ben laden, on nous crée une sorte de mythe vivant , un docteur NO qui tirerait les ficelles dans l'ombre.

Or derrière Assange, il y a l'emprise du réseau et des machines. Pas pour rien que Assange a un look a la Matrix. On va sans doute voulaire faire payer le prix fort à cet homme, à titre d'exemple, mais ca ne changera rien. Assange peut être remplaçé demain. Les pro Assange disent souvent qu'il s'agit là d'une évolution irréversible, inévitable. Autrement dit, ce n'est guère la liberté d'expression ou de la presse qui est invoquée mais le contraire: un déterminisme, un destin plaqué sur nous; et ce destin n'est autre que la technologie. Je pense donc que, qu'on soit pour ou contre Wikileaks est secondaire, dans les deux cas, on s'illusionne sur la marge de liberté qu'il reste à l'individu dans un monde entièrement connecté et informatisé. Le problème est systémique et technologique. "Aucune loi ne changera l'équation: il suffit d'un serveur installé à l'étranger (...)nous riqueons d'être conforntés à un pearl harbour électronique" selon une formule d'un républicain américain, James Carafano (le monde du 30/11/2010). C'est pour cette raison qu'en France, Eric besson, ministre en charge du numérique (quid???), assez logiquement, a voulu s'en prendre à l'hébergeur, la société OVH, qui abrite des serveurs où sont stockées certaines données du site. C'est plutôt là, en effet, que réside le noyau des choses. Or il est significatif de constater que le droit comme d'habitude est largué par la technologie. Ainsi OVH affirme n'être que le prestataire technique, et que son système de serveurs est totalement automatique et fonctionne 24H/24. Et d'ailleurs le directeur d'OVH affirme qu'il ignorait que sa société hébergait Wikileaks, à l'égard duquel il se dit ni pour ni contre. Il est la voix de la technique. Autrement dit, pas de responsable humain direct dans ce système (y a t il un pilote dans l'avion?). Et c'est bien pour cela que la justice française n'a pas donné suite aux demandes de Monsieur Besson. Vide juridique donc, qui indique bien cependant que toute cette affaire, et le désordre qu'elle entraine, est d'abord une affaire technologique, révélateur double de la puissance et de la fragilité de ce système qui, donc "est totalement automatique".

Avec wikileaks, surgit l'un des nombreux signes ou symptômes que ce système (qui est technique) est en train de se retourner contre lui même, au sens où la centralisation extrême se fait déborder par une décentralisation extrême. Dans les forums qui débattent de la question, les uns pointent le flicage technique d'en haut (l'état) et les autres, la transparence, délation généralisée d'en bas. Bref, on ne sait pas qui contrôle qui. La vérité, c'est que les états ne contrôlent pas Internet; le paradoxe suprême étant qu'ils exercent leurs pouvoirs grâce à des dispositifs techniques qu'ils ne maîtrisent pas totalement. Et c'est la même chose pour les citoyens bien entendu. Alors ce qui risque de se passer,à l'avenir, c'est que les pouvoirs s'attaquent, non plus à un simple hacker, mais à la technologie même d'Internet, au sens du réseau physique, comme l'initiative de Besson le laisse supposer.

Thursday, November 25, 2010

Marchand de peur: au sujet des OGM et l'incontournable question du progrès

Au tribunal de grande instance de Paris, un procés oppose deux scientifiques autour des OGM. D'un coté, Marc Fellous, prof de génétique et chef de service à L'institut pasteur, de l'autre l'autre Gilles Eric Seralini, professeur de biologie moléculaire à l'université de Caen. Le second, critique vis à vis des OGM, accuse le premier, pro OGM, d'une "campagne de dénigrement". Monsieur Fellous, en effet, a qualifié monsieur Seralini d'être un "marchand de peur".
Cette affaire est à mon sens extrêmement importante, bien plus décisive à long terme qu'une affaire Karachi (minable histoire d'escroquerie au sommet de l'Etat). Elle pose clairement les enjeux et les dilemmes quasi insolubles du monde moderne, dans lequel nous sommes tous pris (nous= la population, l'humanité), et donc pas seulement les scientifiques.
C'est bien là le problème des questions technologiques aujourd'hui: une affaire d'experts très pointus, à laquelle personne ne comprend rien, à commencer par les politiques (pensez vous par exemple que Sarkozy soit en mesure d'avoir un avis sur la question, sinon favoriser une entreprise de biotech). On voit bien ici que la technocratie s'oppose fondamentalement à la démocratie, du fait même de l'ignorance de la masse. ce serait assez facile à prouver: si l'on organisait un référendum sur les OGM, il est évident que la majorité des gens s'y opposerait. Il faudrait relire à ce sujet Jacques Ellul, grand penseur de la technique quasi ignoré en France, mais à l'influence énorme aux Etats Unis et parmi certains groupes activistes (il fut le prof de José Bové).
Alors l'intérêt de ce procès, c'est d'abord de ramener la technoscience dans la sphère démocratique. Il révèle que les chercheurs ne sont pas d'accord entre eux, et donc qu'il ne s'agit pas de faits compliqués, de mécanismes indubitables sur lesquels il n'y aurait rien à discuter. C'est aussi une querelle d'opinion et idéologique.
Ce qui veut dire que le débat ne se ramène pas seulement à une question scientifique du type: est ce vrai ou faux ou comment ça marche?
L'enjeu c'est: dans quel monde on veut vivre? Les OGM, est ce vraiment une bonne chose? En a t on réellement besoin? etc. Il s'agit donc d'un problème éthique et politique, lié à la question du bien commun. En ce qui me concerne, je ne crois pas du tout aux intentions nobles de nourrir toute l'humanité ( j'ai même entendu parler de fabrication de steack par clonage). je pense plutôt qu'on est dans la vérification du théorème de Gabor: tout ce que la technique peut faire, elle le fera.
Pour les anti OGM, je pense que l'opposition de principe à cette technologie provient d'un rapport philosophique à l'idée de nature. En effet, les OGM posent clairement la question "qu'est ce que c'est que la nature?" Selon certains penseurs, c'est la question principale de l'esprit occidental, à l'origine de toute l'évolution de ce monde. Comme l'écrit Hegel, L'homme est l'animal qui nie l'être, donc qui s'oppose à la nature, qui la tue pour mieux la transformer à son avantage. Il y a dans le formidable développement de la civilisation occidentale (l'histoire), dans le progrès technoscientifique une forte charge négative. Les OGM n'échappent pas à la régle: si on modifie un organisme, on le nie nécessairement en partie. Ce négatif en acte devient même porteur de mort et affirmation du nihilisme lorsque on veut introduire dans des plantes des gènes bloquant le processus naturel de reproduction ( le fameux gène terminator de Monsanto)
Tel est donc le défi philosophique et éthique (et pas du tout scientifique) posé par les OGM. Qu'est ce que la nature? Est-ce quelque chose que l'on doit modifier , améliorer sans cesse et jusqu'à quel point, ou bien est ce une chose à préserver, à sauvegarder, dont on doit prendre soin, et donc qu'il ne faut pas (trop) changer. On pensera aux métaphores traditionnelles: la Nature comme Mère, comme Maison, le tout dont l'homme est partie. En langage moderne: la biosphère, l'environnement. Que dit un film comme Avatar de Cameron? ne touchez pas à la nature...
Depuis le néolithique, l'homme certes travaille la nature, ce qu'on appelle l'agriculture, mais il compose avec elle. Il oriente les processus naturels (ensemencement, moisson) mais les laisse intacts en eux même. Ce n'est plus le cas avec les OGM, puisque la nature, dans ses processus intimes, est modifiée. Par ailleurs, la nature comme "bien commun" est niée puisque elle devient objet de laboratoire et par ailleurs privatisée et source de profits...sans oublier bien sur les impacts inconnus sur l'environnement. Cette idée inquiétante qu'on peut, ce faisant, bouleverser la chaîne et l'équilibre naturel...
On aura beau défendre avec arrogance l'avancée scientifique et le progrès, il est parfaitement logique que le commun des mortels et les paysans encore présents ressentent une méfiance instinctive à l'égard de ces êtres mutants.
Dans nos sociétés aussi confiantes dans la science et la technique, l'opposition aux OGM apparait comme un scandale intolérable, d'où l'attaque agressive de Monsieur Fellous. En effet, cette résistance pose implicitement la question d'un arrêt des recherches et du développement technique...
Nous sommes donc face à un défi majeur de civilisation, peut être une aporie à laquelle se heurte la culture occidentale et qui marque le début de son déclin.

Monday, October 18, 2010

the social network de David Fincher


le cinéma s'empare enfin du monde de l'internet, lui donnant ses lettres de noblesse romanesque. Habituellement ces deux mondes s'ignorent, se méfient l'un de l'autre. Le cinéma se sent menacé de dévoration par l'Ogre internet. Et puis difficile de filmer l'informatique au cinéma, de lui donner une représentation spectaculaire intéressante.
De fait, David Fincher, qui continue à proposer un cinéma adulte et réflexif, se confrontant aux questions contemporaines, propose de raconter l'histoire de la création de facebook, en se concentrant sur l'itinéraire de son fondateur. Et, comme on pouvait s'y attendre, le portrait est à charge, plutôt féroce (encore que ça aurait pu être pire). Le monde des producteurs de cinéma,encore une fois, a une peur bleue d'internet, et des jeunes esprits surdoués qui l'animent, ces nouveaux maitres du monde. Pas étonnant que le film nous offre une vision acide du créateur de Napster, qui a lancé la mode massive des téléchargements de musique et de films. Le diable absolu pour les professionnels du cinéma.
Le premier intérêt d'un film de cinéma traditionnel pour un tel sujet, c'est précisément d'apporter de l'humanité, des visages, de la chair, des passions à quelquechose qui en est singulièrement dépourvu. quels sont les enjeux humains, c'est à dire affective, qui se cachent derrières nos machines, nos écrans, derrière ce monde hautement technologique. Pour Fincher et son scénariste, le but de la fiction ici est de traquer, de dénicher le substrat humain immuable, ce qui résiste, ce qu'on ne peut programmer...
A travers un récit, qui nous fait donc suivre la création d'une entreprise,The social network est un film sur le capitalisme d'aujourd'hui et le pouvoir de l'argent, son caractère corrupteur des liens humains, adoptant un ton plutôt léger et caustique, le rapprochant d'une certaine tradition hollywoodienne (les films de Capra par exemple). C'est d'ailleurs assez bavard, avec un débit de parole très rapide. Reprenant la figure traditionnelle du film de procés, Fincher et son scénariste cassent la structure narrative entre un avant (naissance de facebook par une bande de potes) et un après (le procés entre les fondateurs)
Or quel message transparait tout au long du film: que la trahison, l'humiliation, la dissimulation, la manipulation sont à la base du capitalisme, en l'occurrence du succès fulgurant de facebook. Mark Zuckerberg n'a en effet cessé de mentir et de trahir, y compris son meilleur ami, pour arriver à ses fins. pas un hasard si le film débute par une scène de rupture suie par Zuckerberg, blessure psychologique, traumatisme qui, nous dit le film, aurait présidé à la création de Facebook. Ce site est né d'une idée de vengeance, inspiré par le ressentiment. Là n'est pas le moindre paradoxe, que cherche à mettre en lumière ce film: un site qui vise a relier les gens a travers le monde est le fruit d'un cerveau solitaire, incapable d'amour et d'empathie, et le succès de cette entreprise est le fruit de la haine et de la division.

Tuesday, September 21, 2010

En revoyant Lubitsch



Période faste pour Lubitsch sur les écrans français. Un cycle consacré à son oeuvre à la cinémathèque en témoigne.
Je réussis à persuader un ami, qui ne jure que par les séries contemporaines et les films récents, de m'accompagner voir To be or not to be, un must du genre il est vrai. Rechignant et perplexe, convaincu qu'un ennui indépassable l'attend, mon ami me suit donc. Au champo, il y a la queue sur le trottoir, pour un film si facile a voir partout. C'est un signe. Un monsieur nous dit "c'est la 25ème fois que je le vois mais bon". Eh oui c'est ça la magie Lubitsch, particulièrement ce film: on peut fort bien le voir indéfiniment. En plus, il y a quelques jeunes dans la foule. cela devrait rassurer mon ami...
A la fin de la séance, mon ami, que j'ai entedu rire à plusieurs reprises, me dit qu'il a adoré et qu'il a trouvé ça super marrant. je te l'avais bien dit, lui réponds je, content de moi pour le coup.
A le revoir, To be or not to be m'apparait relever de la grosse farce, un peu énorme par moment même. mais cette énormité n'empêche pas la subtilité et la rigueur de la construction confinant à la virtuosité la plus vertigineuse. c'est ça qui est admirable: c'est trés intellectuel, mathématique même, et c'est à hurler de rire. si c'est une farce, c'est qu'il y a d'abord une intention politique, dans le contexte de la guerre: se foutre ouvertement de la gueule d'Hitler et des nazis. plus que sinistres ou effrayants, ils sont constamment ridicules dans ce film. Des pantins mécaniques,obéissant aveuglément aux ordres.
ce qui est frappant dans cette histoire , c'est que c'est une troupe de théâtre qui déjoue l'oppresseur. Les saltimbanques ont raison du tyran, par les seules ruses de l'artifice et de la fiction, en faisant leur métier: jouer des rôles. On retrouve un thème lubitschien en diable: le réél et son double, le jeu de la réalité et de la fiction, la vie comme spectacle et illusion...une idée un peu baroque du monde donc. par ailleurs, le scénario joue admirablement de l'intrication de l'intrigue privée (le comédien jaloux de sa femme courtisée par un admirateur) et de l'intrigue politique (le plan pour déjouer les nazis); les deux lignes se confondent souvent, tout en s'enrichissant mutuellement, se faisant rebondir l'une l'autre et surtout nourrissant toute la substance comique du film. L'équilibre atteint est parfait. C'est un miracle, un pur bonheur. Et c'est pourquoi mon ami, bluffé et stupéfait, a adoré ce film.

Friday, September 10, 2010

Au sujet de l'affaire lemaire et de l'armée américaine

Conjonction parlante de deux affaires dans l'actualité. Dans un club de foot amateur des Ardennes dans le nord de la France, un footbaleur, homo revendiqué, se voit refuser sa licence sans motif clair même si il ne fait guère de doute que son orientation sexuelle en est la cause. Décision d'autant plus étrange que le joueur avait déjà révélé sa particularité et avait été accepté comme tel. S'emparant de l'affaire, qui sent l'homophobie a plein nez, le club de foot gay Paris football gay, autant porté sur la communication que sur les résultats sportifs ( c'est un peu l'act up du foot), soutient le footballeur exclu et fait du buzz, et l'affaire s'emballe sur le plan médiatique. LE PFG saisit même le conseil national de l'Ethique pour discrimination et aussi pour avertir les consciences.
Dans le même moment, un tribunal de californie remet en cause sur le plan constitutionnel un règlement propre à l'armée américaine, la loi dite Dont ask dont tell, enjoignant les militaires gays et lesbiennes à cacher et à taire leur orientation sexuelle. C'est à dire à mentir. Le chef d'état major des armées se déclare même en faveur de l'intégration des militaires ouvertement gays au sein de l'armée. Décidément les temps changent.
Les deux affaires offrent de belles similitudes. D'une part, elle se passent dans des milieux traditionnellement machistes et homophobes, le foot et l'armée. Des espaces constitutifs et emblématiques de la virilité, où les hommes se retrouvent entre eux et se construisent (en fonction de certains modèles ou règles).
D'autre part, ce qui relie plus profondément les deux cas, c'est que ce n'est pas du tout l'homosexualité qui pose problème mais la révélation de l'homosexualité: le fait de ne pas la cacher ou la taire, le fait de se dire homosexuel. On le voit bien, aussi bien dans le club de foot que dans l'armée, on ne dit pas qu'il n'y a pas de gays ni même qu'il n'en faut pas, mais simplement qu'ils ne doivent pas le dire. Leur homosexualité n'est admise que pour autant qu'elle demeure cachée, non dite. Car au fond, on sait très bien qu'il y en a et que même l'homosexualité existe, qu'elle a toujours existé, y compris entre hétéro, de façon diffuse, latente, sous forme de désirs larvés ou d' échange de regard par exemple, et qu'elle est toujours prête à surgir, explosive.
Dans le milieu du foot ou celui de l'armée, c'est bien le sujet tabou par excellence. A savoir ce qui existe mais dont on ne parle pas, dont il est plus interdit de parler que de pratiquer. Ce qui ne doit pas exister au grand jour de la parole mais rester dans l'ombre, enfoui dans la nuit de l'informulé.
Mais cet interdit souligne en retour son importance fondatrice et sa puissance, qu'on redoute. L'armée ou le foot constituent des lieux de construction et de sociabilisation des hommes et de l'identité masculine. Là ou se fait la communauté des hommes, en tant que séparés des femmes à la base, à l'image de rites initiatiques de certaines sociétés primitives, où les jeunes garçons sont séparés des filles et vivent entre eux, parfois même s'adonnant à des pratiques homosexuelles. L'identité masculine forte suppose le partage strict des sexes (même si bien sur l'armée a ouvert ses portes aux femmes, mais elles restent mal vues). De ce fait, la présence d'une personne ouvertement homo ne peut que déranger cette vision de l'identité et de la communauté masculine. De la même façon que la présence d'une femme. L'homo vient chambouler cet idéal de la virilité type, et ce strict partage des rôles, ou chacun des sexes est dans son camp. Et dans ce partage, il n'y a pas de place pour le désir sexuel du même, qui viendrait tout perturber. L'homo est comme l'introduction du féminin au sein même du masculin, tel un cheval de Troie. Cela correspond à une angoisse ancestrale de baisse de la virilité, de dévirilisation, c'est à dire de castration et donc de féminisation (efféminement) et des qualités d'âme qui lui sont traditionnellement associées (courage, force, dureté...). Il ne faut pas chercher ailleurs la raison des insultes à l'égard des homos qui comme on le sait fleurissent dans ces lieux et qui systématiquement suggèrent une absence de force ou de courage (tapette, tarlouze, pédale, femmelette). L'insulte a ici pour fonction de désigner ce qu'on ne doit pas être; par elle, on pose en s'opposant: on est des hommes parce qu'on n'est pas des pédés. D'une certaine façon, l'homo est une sorte de traitre, traitre à la communauté des hommes. Pédé est l'insulte suprême, parce que fondatrice, de la communauté des hommes, l'insulte du social comme instance de contrôle de la sexualité.
En effet, on admet que les hommes vont partager les vestiaires, les chambrées, les douches etc, bref une certaine intimité et proximité corporelle. Et cela n'est possible que s'il n'y a pas d'ambiguïté , c'est à dire de désir ( ce qui est un voeu pieux bien sur!). Cela peut se comprendre: après tout, on admet encore que les vestiaire des hommes et des femmes soient séparés. Soyons clair, un homme hétéro aura beaucoup de mal à prendre une douche en présence de gays (mais n'éprouverait il pas une gêne en présence de femmes, une gêne mêlée de désir?).
Voilà donc, à mon sens, les éléments d'une mentalité traditionnelle que vient bousculer l'affaire Lemaire et l'affaire de l'homosexualité dans l'armée US. il s'agit de la différence entre une homosexualité fermée et une homosexualité ouverte.
Pourtant, se dire homosexuel,vivre ouvertement son homosexualité, ne va pas de soi...

Monday, July 19, 2010

revoir les moissons du ciel

Revu hier les moissons du ciel au cinéma du grand et mystérieux Terence Malick. Avec la photo somptueuse de Nestor Almendros. il m'a paru évident, à le revoir, que Malick ne se soucie pas vraiment de son récit, au sens de l'efficacité narrative américaine et d'une forte caractérisation des personnages. il cherche autre chose qu'une mécanique bien huilée. du coup, reconnaissons le, on peut ressentir une certaine distance ou froideur vis à vis des personnages. c'était mon cas lorsque je l'ai vu pour la première fois: le sentiment de ne pas vraiment m'attacher aux personnages. Accentué par l'usage de la voix off de la petite soeur, peu présente dans l'histoire, celle ci nous parait racontée de loin à travers le filtre voilé du souvenir. Le récit semble lacunaire, incertain, pleins de trous, imparfait même. je ne suis guère persuadé que le scénario en tant que tel retiendrait l'attention des décideurs d'une commission quelconque.
ainsi donc, avec le parfait concours de nestor Almendros, Malick s'est comporté en poète, privilégiant la valeur intrinsèque des plans, composés tels des tableaux, leur charge poétique explosive et autonome, qui flamboient sur la toile de l'écran et hypnotisent le spectateur. Ce faisant, il raconte une histoire, cette relation à trois entre le propriétaire fermier, richard Gere et sa soeur, et elle prend même une dimension plus intense et déchirante à la fin, plus forte que si les ficelles plus traditionnelles avaient été utilisées.
Enfin, il y a das le cinéma de malick quelque chose de déchirant, comme une plainte, qui donne ce sentiment si magnifié par le cinéma que quelquechose a été perdu dans la relation de l'homme à la nature.