Friday, December 17, 2010

wikileaks suite: a propos d'un article de luis de Miranda dans Libe

Dans Libé, Luis de Miranda, jeune philosophe qui réfléchit sur Internet et le numérique (il est l'auteur d'un Etre libre au temps des automates) exprime un point de vue très pertinent sur l'affaire wikileaks, bien plus intéressant que ceux publiés par le libé des philosophes (http://www.liberation.fr/monde/01022307847-reaction-sur-wikileaks-qui-regne-par-le-code-tombera-par-le-code ). Il écrit en substance que désormais dans ce nouveau monde, c'est celui qui maitrise les codes, c'est à dire qui peut paramétrer et modeler les code sources du système (d'où les systèmes open source) qui a le pouvoir et mène le jeu. Il s'agit de connaitre le langage de programmation numérique (langage html, javascript ...)de se faire informaticien ou hacker pour exister maintenant dans le monde de l'information ( et du savoir, de la culture). François Bon dit a peu prés la même chose aux écrivains et les enjoint fortement à "s'y mettre"(voir son site-blog: Tierslivre.Net)
C'est que l'information est désormais un objet hyper technologique et correspond à un système technique particulièrement puissant: le réseau.
Surgit alors une angoisse: que devient on si on ne maitrise pas les codes en question, et même si l'on n'y connait rien? comme c'est le cas de beaucoup de gens, y compris certains (vieillissant) qui sont au pouvoir. En France, on le constate souvent: on tombe sur des dirigeants qui savent à peine se servir d'un ordinateur (et pourtant ils restent au pouvoir). A lire l'article, on se dit que celui qui ne maitrise pas ces codes et n'y comprend rien va être complétement exclu, balayé, éliminé. Alors il n'y a pas d'autre choix que de s'y mettre, pour simplement s'adapter et survivre. La fracture numérique révèle ici une sorte de darwinisme technologique qui va gravement cliver l'humanité. Et pourtant s'y mettre, cela ne va pas de soi. La logique de programmation numérique demande du temps et une certaine tournure d'esprit pour être maitrisée. Langage html, javascript, CSS: cela reste ésotérique pour le commun des internautes. Tout le monde n'est pas hacker...
Enfin,Luis de Miranda parle des jeunes (les digital natives comme on dit) qui ont l'algorithme dans la peau pour sans doute les opposer aux "anciens", qui ont l'analogique dans le sang. La formule est à nuancer: les jeunes utilisent certes de nombreux services fondés sur les algorithmes mais ne les maitrisent pas pour autant à la source. Ils sont des utilisateurs, et non pas tous de géniaux hacker ou programmeur (comme Mark Zuckerberg ou Julian Assange). Et puis, par ailleurs, ces mêmes jeunes (en france mais aussi en Italie, en Grèce) vivent cette situation terriblement paradoxale : rompus aux outils numériques, ils arrivent face à une société verrouillée , un marché de l'emploi fermé, et un immobilier inaccessible (+ 20% a Paris!!!). Alors on se dit, c'est bien beau le nouveau monde numérique, mais si je peux même pas accéder à des biens un peu plus primaires...Autrement dit, si l'on plane dans les nuages du numérique (le cloud computing précisément), on sera amené a redescendre les pieds sur terre. Plus dure sera la chute!

Friday, December 10, 2010

A propos de l'affaire wikileaks: "systéme totalement automatique"

L'affaire Wikileaks,véritable feuilleton digne de 24 heures (révélation des fuites, arrestation de Julian assange), storytelling spontanée en temps réel, donne lieu à un débat mondialisé, une nouvelle querelle entre les anti wikileaks et les pro, partisans du secret et apôtres de la transparence. Les anciens seraient du coté du secret, et les modernes de la transparence.

L'ère de la transparence absolue s'inscrit dans la logique même d'Internet, on enjoint les gens à parler d'eux. Il n'y a pas de vie privée dit le créateur de facebook. Et beaucoup adhèrent à ce principe.

Le "fascisme informatique" rapelle la formule de Virilio:la "bombe informatique". Autrement dit, cette transparence totale est lié à la puissance du système technique, dans lequel on est pris et que personne ne contrôle vraiment. Julian Assange est un leurre, destiné à capter l'attention des anti et des pro, et destiné à nous faire croire que le bon vieil être humain contrôle encore les choses (un peu comme quand on arrête un internute qui télécharge).Comme Ben laden, on nous crée une sorte de mythe vivant , un docteur NO qui tirerait les ficelles dans l'ombre.

Or derrière Assange, il y a l'emprise du réseau et des machines. Pas pour rien que Assange a un look a la Matrix. On va sans doute voulaire faire payer le prix fort à cet homme, à titre d'exemple, mais ca ne changera rien. Assange peut être remplaçé demain. Les pro Assange disent souvent qu'il s'agit là d'une évolution irréversible, inévitable. Autrement dit, ce n'est guère la liberté d'expression ou de la presse qui est invoquée mais le contraire: un déterminisme, un destin plaqué sur nous; et ce destin n'est autre que la technologie. Je pense donc que, qu'on soit pour ou contre Wikileaks est secondaire, dans les deux cas, on s'illusionne sur la marge de liberté qu'il reste à l'individu dans un monde entièrement connecté et informatisé. Le problème est systémique et technologique. "Aucune loi ne changera l'équation: il suffit d'un serveur installé à l'étranger (...)nous riqueons d'être conforntés à un pearl harbour électronique" selon une formule d'un républicain américain, James Carafano (le monde du 30/11/2010). C'est pour cette raison qu'en France, Eric besson, ministre en charge du numérique (quid???), assez logiquement, a voulu s'en prendre à l'hébergeur, la société OVH, qui abrite des serveurs où sont stockées certaines données du site. C'est plutôt là, en effet, que réside le noyau des choses. Or il est significatif de constater que le droit comme d'habitude est largué par la technologie. Ainsi OVH affirme n'être que le prestataire technique, et que son système de serveurs est totalement automatique et fonctionne 24H/24. Et d'ailleurs le directeur d'OVH affirme qu'il ignorait que sa société hébergait Wikileaks, à l'égard duquel il se dit ni pour ni contre. Il est la voix de la technique. Autrement dit, pas de responsable humain direct dans ce système (y a t il un pilote dans l'avion?). Et c'est bien pour cela que la justice française n'a pas donné suite aux demandes de Monsieur Besson. Vide juridique donc, qui indique bien cependant que toute cette affaire, et le désordre qu'elle entraine, est d'abord une affaire technologique, révélateur double de la puissance et de la fragilité de ce système qui, donc "est totalement automatique".

Avec wikileaks, surgit l'un des nombreux signes ou symptômes que ce système (qui est technique) est en train de se retourner contre lui même, au sens où la centralisation extrême se fait déborder par une décentralisation extrême. Dans les forums qui débattent de la question, les uns pointent le flicage technique d'en haut (l'état) et les autres, la transparence, délation généralisée d'en bas. Bref, on ne sait pas qui contrôle qui. La vérité, c'est que les états ne contrôlent pas Internet; le paradoxe suprême étant qu'ils exercent leurs pouvoirs grâce à des dispositifs techniques qu'ils ne maîtrisent pas totalement. Et c'est la même chose pour les citoyens bien entendu. Alors ce qui risque de se passer,à l'avenir, c'est que les pouvoirs s'attaquent, non plus à un simple hacker, mais à la technologie même d'Internet, au sens du réseau physique, comme l'initiative de Besson le laisse supposer.