Assistant médusé aux derniers rebondissements de L'affaire DSK ( en ce moment la diffusion des vidéo surveillance du Sofitel), je me dis à quel point un Jean Baudrillard nous manque. En effet, le développement sans fin de cette histoire au fil des révélations médiatiques, ses méandres et ramifications qui en révèlent la complexité mondialisée, son impact sociologique dans l'opinion et ses implications politiques etc. , tout cela en fait quelque chose d'assez baudrillardien, à savoir dans la relation trouble et frénétique qu'entretiennent aujourd'hui les médias, l'information et la réalité. Ou comment la réalité finit par disparaître sous ses représentations et sa médiatisation (le "simulacre"). Le réel est comme absorbé par son médium. Ou est l'événement?
C'est une sorte de story telling spontané, répondant assez bien à cette "écriture automatique du monde", auquel ne manque aucun ingrédient. L'incident déclencheur déjà: la rencontre violente entre un grand de ce monde et une modeste femme de chambre d'origine africaine, le haut et le bas, le Nord et le sud, l'homme et la femme, le vieux et la jeune, un destin (présidentiel) qui bascule, l'argent, le sexe, le pouvoir, décidément rien ne manque à ce cocktail explosif! Par la suite, la façon dont l'affaire se développe dans les médias, au fil des révélations et des informations, distillées au compte goutte semble-t-il comme par le meilleur des scénaristes, fait que l'affaire DSK dans son traitement médiatique a toute l'apparence d'une série télé, non dénuée de suspense d'ailleurs; On dit souvent que la réalité dépasse la fiction mais ici c'est surtout qu'elle semble cadrer avec la fiction, avec ses canons et à ses codes. Oui la réalité imite le film, la nature imite l'art. Bien sur, je parle ici de la mise en récit opérée par les médias (mais aussi relayée par l'opinion) de cette affaire , de façon à ce qu'il rentre bien dans sa temporalité et ses formats spécifiques. L'événement se confond ici avec sa médiatisation.
En tout cas, la réalité s'est entièrement confondue avec un spectacle, qu'on suit sur nos écrans avec une certaine avidité ( je me souviens de passagers du métro regardant sur leur i-phone l'interview télé de DSK sur TF1), dans un état quasi addictif, même si au bout d'un moment la lassitude commence à pointer (comme dans toute bonne série interminable). On le sent dans les commentaires des internautes en réaction aux articles sur l'affaire: marre de DSK! c'est évidemment le contraire qu'il faut comprendre, sinon ils ne prendraient même pas la peine d'ajouter une voix au chapitre . En réalité, ils en veulent plus, toujours plus et surtout ils réclament la fin de l'histoire, le fin mot de la fin, pour mettre un terme à cette addiction. Ce qui est nouveau, c'est qu'on a l'impression d'assister aux faits, de suivre le déroulement de l'histoire quasi en temps réel, grâce à l'accélération des moyens de diffusion notamment. L'affaire DSK témoigne bien de cette accélération du réel.
Le monde est d'autant plus un spectacle qu'aujourd'hui il y a partout des caméras pour vous filmer. On peut donc réaliser ce rêve, ce fantasme fou de revoir un évènement tel qu'il a eu lieu, de revoir le passé, réalité intégrale dirait Baudrillard, du moins une partie des évènements, ceux qui se sont déroulés sous l'oeil des caméras. Notre vie entière, à chacun d'entre nous, peut être un film, visionnable à volonté.C'est bien ce sentiment qu'on en regardant les images de video surveillance du Sofitel, qu'on a décidé de rendre publiques hier, et qui ont été diffusées dans le monde entier. D'un seul coup, ce qui depuis des mois fait l'objet de multiples discours, donne lieu à des versions contradictoire selon les intérêts, n'existe qu' à l'état de déclarations apparaît à l'écran. Les mots cèdent la place à l'image. Effet de dévoilement, de vérité garanti. La caméra (c'est à dire la technique) ne saurait mentir: c'est la réalité telle qu'elle est, purifiée techniquement de ses scories subjectives. Quoi qu'il en soit, cette diffusion s'inscrit clairement dans le règne des images et trouve parfaitement sa place dans la grande machinerie du spectacle. Elle vient tout naturellement alimenter nos écrans et continue à écrire le feuilleton. Le monde est fait pour aboutir à un livre disait Mallarmé, aujourd'hui il est fait pour aboutir à un film. Ces images témoignent on ne peut mieux d'un régime de surveillance et de transparence spécifiques à nos sociétés modernes et technologiques. Le réel ne peut s'oublier, tout sera filmé , enregistré, reproductible et réitérable ad lib. Difficile de ne pas penser au fameux droit à l'oublie et qu'au même moment facebook lance sa ligne de temps sur le réseau, fonction qui se souvient du déroulé entier de votre vie depuis votre inscription sur le réseau.
Mais ce qui est intéressant et amusant avec ce nouveau chapitre de la diffusion des vidéos, c'est le sentiment qu'il nous donne que la vérité se construit (ou se déconstruit) progressivement, pièce après pièce, à la façon d'un puzzle. L'affaire DSK désigne une réalité mouvante, éclatée, morcelée, fondamentalement incertaine. D'ailleurs ce qui constitue le point de départ de l'affaire, l' agression sexuelle, il n'est pas sur qu'elle ait eu lieu.
C'est une réalité fractale. On en perçoit que les morceaux, on ne voit que les parties qui nous masquent le tout et modifient sans cesse notre perception du tout. Ainsi l'affaire forme une séquence temporelle pouvant s'inscrire dans une narration médiatique lui donne son allure de série. A cette temporalité progressive, procédant par étapes, correspond la dimension polycentrique de l'affaire, fruit de multiples points de vues; c'est à dire que la successivité des épisodes va de pair avec la simultanéité des points de vue. Un espace-temps éclaté et démultiplié.
Avec ces images, on essaie précisément de reconstituer cette réalité, de la retrouver, de revenir à la scène originelle, la scène primitive (le viol, l'acte sexuel, l'origine). Difficile de ne pas penser à des films de Brian de palma comme Blow out ou Snake eyes. Ou comment par l'image ou le son, par la captation audiovisuelle, par les traces, traquer la réalité manquante, revenir à la source. Preuve que Technologies et médias entretiennent un jeu complexe, vertigineux, avec le réel. Sans les premiers, pas d'accès au second, mais on ne saurait pour autant les confondre. Et au fond, la réalité toujours manque, a toujours déjà disparu. Ne Restent que les traces, d'où le règne a venir de la traçabilité.
Réalité incertaine car les images de vidéo surveillances sont bien sûr des éléments partiels, des échantillons du tout de la réalité manquante, a jamais perdue. Elles ne constituent en soi aucune preuve définitive pour l'une et l'autre version (agression versus rapport consenti). Ce ne sont que quelques pièces du puzzle. Ce qui fait le fond de l'affaire, ce qui s'est passé réellement, cela n'a jamais été filmé. C'est le réel manquant, qui à jamais se dérobe...
C'est une sorte de story telling spontané, répondant assez bien à cette "écriture automatique du monde", auquel ne manque aucun ingrédient. L'incident déclencheur déjà: la rencontre violente entre un grand de ce monde et une modeste femme de chambre d'origine africaine, le haut et le bas, le Nord et le sud, l'homme et la femme, le vieux et la jeune, un destin (présidentiel) qui bascule, l'argent, le sexe, le pouvoir, décidément rien ne manque à ce cocktail explosif! Par la suite, la façon dont l'affaire se développe dans les médias, au fil des révélations et des informations, distillées au compte goutte semble-t-il comme par le meilleur des scénaristes, fait que l'affaire DSK dans son traitement médiatique a toute l'apparence d'une série télé, non dénuée de suspense d'ailleurs; On dit souvent que la réalité dépasse la fiction mais ici c'est surtout qu'elle semble cadrer avec la fiction, avec ses canons et à ses codes. Oui la réalité imite le film, la nature imite l'art. Bien sur, je parle ici de la mise en récit opérée par les médias (mais aussi relayée par l'opinion) de cette affaire , de façon à ce qu'il rentre bien dans sa temporalité et ses formats spécifiques. L'événement se confond ici avec sa médiatisation.
En tout cas, la réalité s'est entièrement confondue avec un spectacle, qu'on suit sur nos écrans avec une certaine avidité ( je me souviens de passagers du métro regardant sur leur i-phone l'interview télé de DSK sur TF1), dans un état quasi addictif, même si au bout d'un moment la lassitude commence à pointer (comme dans toute bonne série interminable). On le sent dans les commentaires des internautes en réaction aux articles sur l'affaire: marre de DSK! c'est évidemment le contraire qu'il faut comprendre, sinon ils ne prendraient même pas la peine d'ajouter une voix au chapitre . En réalité, ils en veulent plus, toujours plus et surtout ils réclament la fin de l'histoire, le fin mot de la fin, pour mettre un terme à cette addiction. Ce qui est nouveau, c'est qu'on a l'impression d'assister aux faits, de suivre le déroulement de l'histoire quasi en temps réel, grâce à l'accélération des moyens de diffusion notamment. L'affaire DSK témoigne bien de cette accélération du réel.
Le monde est d'autant plus un spectacle qu'aujourd'hui il y a partout des caméras pour vous filmer. On peut donc réaliser ce rêve, ce fantasme fou de revoir un évènement tel qu'il a eu lieu, de revoir le passé, réalité intégrale dirait Baudrillard, du moins une partie des évènements, ceux qui se sont déroulés sous l'oeil des caméras. Notre vie entière, à chacun d'entre nous, peut être un film, visionnable à volonté.C'est bien ce sentiment qu'on en regardant les images de video surveillance du Sofitel, qu'on a décidé de rendre publiques hier, et qui ont été diffusées dans le monde entier. D'un seul coup, ce qui depuis des mois fait l'objet de multiples discours, donne lieu à des versions contradictoire selon les intérêts, n'existe qu' à l'état de déclarations apparaît à l'écran. Les mots cèdent la place à l'image. Effet de dévoilement, de vérité garanti. La caméra (c'est à dire la technique) ne saurait mentir: c'est la réalité telle qu'elle est, purifiée techniquement de ses scories subjectives. Quoi qu'il en soit, cette diffusion s'inscrit clairement dans le règne des images et trouve parfaitement sa place dans la grande machinerie du spectacle. Elle vient tout naturellement alimenter nos écrans et continue à écrire le feuilleton. Le monde est fait pour aboutir à un livre disait Mallarmé, aujourd'hui il est fait pour aboutir à un film. Ces images témoignent on ne peut mieux d'un régime de surveillance et de transparence spécifiques à nos sociétés modernes et technologiques. Le réel ne peut s'oublier, tout sera filmé , enregistré, reproductible et réitérable ad lib. Difficile de ne pas penser au fameux droit à l'oublie et qu'au même moment facebook lance sa ligne de temps sur le réseau, fonction qui se souvient du déroulé entier de votre vie depuis votre inscription sur le réseau.
Mais ce qui est intéressant et amusant avec ce nouveau chapitre de la diffusion des vidéos, c'est le sentiment qu'il nous donne que la vérité se construit (ou se déconstruit) progressivement, pièce après pièce, à la façon d'un puzzle. L'affaire DSK désigne une réalité mouvante, éclatée, morcelée, fondamentalement incertaine. D'ailleurs ce qui constitue le point de départ de l'affaire, l' agression sexuelle, il n'est pas sur qu'elle ait eu lieu.
C'est une réalité fractale. On en perçoit que les morceaux, on ne voit que les parties qui nous masquent le tout et modifient sans cesse notre perception du tout. Ainsi l'affaire forme une séquence temporelle pouvant s'inscrire dans une narration médiatique lui donne son allure de série. A cette temporalité progressive, procédant par étapes, correspond la dimension polycentrique de l'affaire, fruit de multiples points de vues; c'est à dire que la successivité des épisodes va de pair avec la simultanéité des points de vue. Un espace-temps éclaté et démultiplié.
Avec ces images, on essaie précisément de reconstituer cette réalité, de la retrouver, de revenir à la scène originelle, la scène primitive (le viol, l'acte sexuel, l'origine). Difficile de ne pas penser à des films de Brian de palma comme Blow out ou Snake eyes. Ou comment par l'image ou le son, par la captation audiovisuelle, par les traces, traquer la réalité manquante, revenir à la source. Preuve que Technologies et médias entretiennent un jeu complexe, vertigineux, avec le réel. Sans les premiers, pas d'accès au second, mais on ne saurait pour autant les confondre. Et au fond, la réalité toujours manque, a toujours déjà disparu. Ne Restent que les traces, d'où le règne a venir de la traçabilité.
Réalité incertaine car les images de vidéo surveillances sont bien sûr des éléments partiels, des échantillons du tout de la réalité manquante, a jamais perdue. Elles ne constituent en soi aucune preuve définitive pour l'une et l'autre version (agression versus rapport consenti). Ce ne sont que quelques pièces du puzzle. Ce qui fait le fond de l'affaire, ce qui s'est passé réellement, cela n'a jamais été filmé. C'est le réel manquant, qui à jamais se dérobe...
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