Impossible de lire ce livre sans ressentir une part d'inquiétude, et même d'effroi, face à un développement technologique incontrôlable (ce qu'on appelle le progrès) qui, du fait même de sa puissance, atteint une sorte de zone limite, un seuil de rupture, au delà de quoi on ne voit pas vers quoi il peut encore aller. Prélude à son effondrement.
Ce ton apocalyptique, assumé, en tant que Virilio veut défendre une pensée "révélationnaire", est nettement sensible et a un accent religieux, qui peut certes agacer.
Quant à la méthode, c'est à dire à l'écriture, Virilio la radicalise aussi. Livre court et fulgurant, il pousse la pensée et l'écriture jusqu'à une contraction et une condensation assez extrême, ne lésinant pas sur les citations, les analogies, les néologisme et même les jeux de mots. Virilio est un créateur verbal, entre acrobatie et feu d'artifice de mots et de concepts. Inutile de chercher de longs développements solidement argumentés à la mode universitaire. On a là une pensée quasi aphoristique, proche du poème. On pense à Nietzsche, ou à son grand ami Baudrillard, dont il est assurément très proche et complémentaire. Paradoxalement, c'est comme si Virilio intégrait le principe d'accélération, agissant comme un précipité chimique, dans son écriture.
Qu'en est il du propos? Sans surprise, Virilio continue son analyse implacable de la modernité, envisagé sous l'angle quasi unique de la vitesse, qui est sa caractéristique essentielle. Thème qui hante la pensée de Virilio, concept fondateur capable d'expliquer tous les autres aspects du monde moderne, de là son appel à établir la discipline de la dromologie et même à créer un ministère du temps (la vitesse, c'est le pouvoir).
D'emblée, il place son argumentation sous une intuition tirée d'une comparaison entre d'une part la construction du LHC au CERN de Genève, l'accélérateur de particules, et d'autre part l'accélération de la finance mondialisée, aboutissant à un "mur du temps". Soit une finance folle se déployant dans des millions d'ordinateurs connectés en réseau, régie par un temps machine, une temporalité fonctionnant à la nano-seconde, qui n'a plus rien d'humain. Or ce mur du temps, qui a donné lieu à un krach en 2010, c'est bien ce que cherche à atteindre le CERN, en traquant le boson de Higgs, la particule de Dieu.
Virilio ne cesse de rappeler l'écart croissant entre la vitesse folle de la technique et le rythme humain, irrémédiablement lié au corps et au cosmos, marqué par des caractéristique ancestrales et immuables. Ce divorce, notons le, avait déjà été pointé par la phénoménologie et Husserl ou encore par Leroi-Gourhan, le grand anthropologue de la technique, qui avait remarqué le décalage chez l'homme entre la vitesse d'évolution des objets et la lenteur du corps humain, resté le même qu'à l'ère préhistorique.
C'est bien la collusion entre les deux rythmes qui ne cesse d'accentuer le malaise que tout un chacun peut ressentir aujourd'hui, à l'heure du numérique triomphant. Il est clair que nous sommes, nous pauvres frères humains, embarqués dans une modernité malade, tragédie de notre civilisation, qui est mortelle.
Or, quoi qu'il en dise, il ne faut attendre de Virilio aucun remède, sinon l'exercice d'une lucidité blessante. Peut être qu'il n'y en a pas, la technique étant déjà le remède qui secrète son poison. En tout cas, pas de remède issu de ce système, sinon son arrêt pur et simple. Fukushima est il un signe? ainsi l'Allemagne a décidé l'arrêt du nucléaire, et on se souvient bien sur du cosmonaute de 2001 qui débranche et stoppe HAL.
Ce ton apocalyptique, assumé, en tant que Virilio veut défendre une pensée "révélationnaire", est nettement sensible et a un accent religieux, qui peut certes agacer.
Quant à la méthode, c'est à dire à l'écriture, Virilio la radicalise aussi. Livre court et fulgurant, il pousse la pensée et l'écriture jusqu'à une contraction et une condensation assez extrême, ne lésinant pas sur les citations, les analogies, les néologisme et même les jeux de mots. Virilio est un créateur verbal, entre acrobatie et feu d'artifice de mots et de concepts. Inutile de chercher de longs développements solidement argumentés à la mode universitaire. On a là une pensée quasi aphoristique, proche du poème. On pense à Nietzsche, ou à son grand ami Baudrillard, dont il est assurément très proche et complémentaire. Paradoxalement, c'est comme si Virilio intégrait le principe d'accélération, agissant comme un précipité chimique, dans son écriture.
Qu'en est il du propos? Sans surprise, Virilio continue son analyse implacable de la modernité, envisagé sous l'angle quasi unique de la vitesse, qui est sa caractéristique essentielle. Thème qui hante la pensée de Virilio, concept fondateur capable d'expliquer tous les autres aspects du monde moderne, de là son appel à établir la discipline de la dromologie et même à créer un ministère du temps (la vitesse, c'est le pouvoir).
D'emblée, il place son argumentation sous une intuition tirée d'une comparaison entre d'une part la construction du LHC au CERN de Genève, l'accélérateur de particules, et d'autre part l'accélération de la finance mondialisée, aboutissant à un "mur du temps". Soit une finance folle se déployant dans des millions d'ordinateurs connectés en réseau, régie par un temps machine, une temporalité fonctionnant à la nano-seconde, qui n'a plus rien d'humain. Or ce mur du temps, qui a donné lieu à un krach en 2010, c'est bien ce que cherche à atteindre le CERN, en traquant le boson de Higgs, la particule de Dieu.
Virilio ne cesse de rappeler l'écart croissant entre la vitesse folle de la technique et le rythme humain, irrémédiablement lié au corps et au cosmos, marqué par des caractéristique ancestrales et immuables. Ce divorce, notons le, avait déjà été pointé par la phénoménologie et Husserl ou encore par Leroi-Gourhan, le grand anthropologue de la technique, qui avait remarqué le décalage chez l'homme entre la vitesse d'évolution des objets et la lenteur du corps humain, resté le même qu'à l'ère préhistorique.
C'est bien la collusion entre les deux rythmes qui ne cesse d'accentuer le malaise que tout un chacun peut ressentir aujourd'hui, à l'heure du numérique triomphant. Il est clair que nous sommes, nous pauvres frères humains, embarqués dans une modernité malade, tragédie de notre civilisation, qui est mortelle.
Or, quoi qu'il en dise, il ne faut attendre de Virilio aucun remède, sinon l'exercice d'une lucidité blessante. Peut être qu'il n'y en a pas, la technique étant déjà le remède qui secrète son poison. En tout cas, pas de remède issu de ce système, sinon son arrêt pur et simple. Fukushima est il un signe? ainsi l'Allemagne a décidé l'arrêt du nucléaire, et on se souvient bien sur du cosmonaute de 2001 qui débranche et stoppe HAL.
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