Une émission de France 2 , la finance folle, abordait le problème du rôle des ordinateurs et des machines dans la finance. Reportage intéressant même si il adoptait un ton lourdement spectaculaire inhérent au genre (à la Inside Job), de peur d'ennuyer le spectateur avec des questions arides. Il posait assez clairement les termes d'un débat (politique et quasi philosophique) qui concerne le rôle et la définition de la finance aujourd'hui dans le monde moderne. Le débat est le suivant: est-ce que ce sont des hommes, cupides et malveillants, par exemple les traders, qui sont responsables du marasme actuel et utilisent des instruments puissants à leur fin, ou bien est ce que ce sont les instruments puissants, les machines et algorithmes, qui échappent au contrôle et mènent la danse? Evidemment la seconde option est largement plus inquiétante avec son coté Terminator ou Matrix. La première est plus rassurante car elle laisse penser qu'on peut reprendre le contrôle et arrêter les éléments malveillants.
Bref d'où vient le mal (associé explicitement à la finance dans le reportage, selon une vieille tradition religieuse)? Qui est responsable? Les traders ou les algorithmes? Les humains ou les machines? La réalité de la finance semble participer d'un double niveau: l'humain et le technologique (qui recoupe l'opposition réel/virtuel). Les partisans de la première idée, qu'on peut appeler instrumentalistes, croient toujours que l'homme contrôle la technique, qui n'est qu'un moyen, et veulent ainsi dédramatiser la gravité de la situation. Pourtant, les ingénieurs qui conçoivent les algorithmes ne sont pas uniquement mus par l'appât du gain a mon avis. Il y a aussi le challenge d'intervenir sur le cours même de la réalité, voire de la changer. Quant aux traders, certains ne contrôlent pas forcément leur propre comportement et se laissent happer par le rythme de la machine. Ils se comportent comme des addicts à un jeu vidéo où ils perdent le contact avec la réalité. C'est ce que Kerviel a déclaré par exemple. C'est peut être bidon mais moi ça me parait crédible.
Invoquer l'éternelle cupidité humaine, comme le font les gens d'extrême gauche en général pour s'opposer au capitalisme, me parait insuffisant pour décrire la réalité complexe d'aujourd'hui qui caractérise la finance. Il y a bien des instruments nouveaux , d'une puissance inouïe, qui augmentent la dimension de la réalité où l'on intervient, qui augmentent la vitesse où les choses évoluent. Il y a des outils que nous manipulons autant qu'ils nous manipulent. L'homme devient "tool of his tools" comme l'écrit Thoreau (Formule citée par John Von Neuman, l'inventeur de l'ordinateur, en épigraphe de son célèbre article Théorie des automates). Et ne pas considérer cet aspect pour s'en tenir à des vieux refrains, c'est se condamner à l'aveuglement. La démesure de la finance participe de cette explosion des données engendrée par le numérique et Internet, processus qu'on retrouve aussi bien dans la science où l'augmentation des capacités des machines permettent une meilleure compréhension du cerveau ou du gènôme. Autrement dit, le comportement actuel de la finance, avec ce rôle actif des robots, donne raison à l'approche de Jacques Ellul qui disait qu'il ne croyait pas au capitalisme, mais aux machines. Et, de fait, ce reportage a un accent ellulien. Il désigne l'horizon future d'une lutte authentique contre le finance: le luddisme. En clair, il faudra faire comme l'astronaute dans le film 2001: débrancher l'ordinateur.
Ce que laissait penser l'émission, c'est donc que la capitalisme actuel, financiarisé, nous échappe, de même qu'internet échappe aux autorités (par exemple quand une vidéo de meurtre et de dèpecage circule sur le réseau). Il échappe à notre raison, et à notre pouvoir d'action, donc à la politique. Un jeune me disait récemment lors des dernières élections présidentielles: pas la peine de voter, le pouvoir c'est l'argent et l'argent c'est du virtuel. Bref là encore l'influence d'Ellul se fait sentir, qui parlait d'illusion de la politique dans les sociétés industrielles et technologiques avancées.
Comme le capitalisme financiarisé produit de la réalité, en tant qu'il provoque une accélération de la réalité, alors la réalité nous échappe. Nous devenons tous des personnages d'un roman de Philip K. Dick.
On en vient à de se demander si aujourd'hui la finance ne se confond pas avec la technologie.
Bref d'où vient le mal (associé explicitement à la finance dans le reportage, selon une vieille tradition religieuse)? Qui est responsable? Les traders ou les algorithmes? Les humains ou les machines? La réalité de la finance semble participer d'un double niveau: l'humain et le technologique (qui recoupe l'opposition réel/virtuel). Les partisans de la première idée, qu'on peut appeler instrumentalistes, croient toujours que l'homme contrôle la technique, qui n'est qu'un moyen, et veulent ainsi dédramatiser la gravité de la situation. Pourtant, les ingénieurs qui conçoivent les algorithmes ne sont pas uniquement mus par l'appât du gain a mon avis. Il y a aussi le challenge d'intervenir sur le cours même de la réalité, voire de la changer. Quant aux traders, certains ne contrôlent pas forcément leur propre comportement et se laissent happer par le rythme de la machine. Ils se comportent comme des addicts à un jeu vidéo où ils perdent le contact avec la réalité. C'est ce que Kerviel a déclaré par exemple. C'est peut être bidon mais moi ça me parait crédible.
Invoquer l'éternelle cupidité humaine, comme le font les gens d'extrême gauche en général pour s'opposer au capitalisme, me parait insuffisant pour décrire la réalité complexe d'aujourd'hui qui caractérise la finance. Il y a bien des instruments nouveaux , d'une puissance inouïe, qui augmentent la dimension de la réalité où l'on intervient, qui augmentent la vitesse où les choses évoluent. Il y a des outils que nous manipulons autant qu'ils nous manipulent. L'homme devient "tool of his tools" comme l'écrit Thoreau (Formule citée par John Von Neuman, l'inventeur de l'ordinateur, en épigraphe de son célèbre article Théorie des automates). Et ne pas considérer cet aspect pour s'en tenir à des vieux refrains, c'est se condamner à l'aveuglement. La démesure de la finance participe de cette explosion des données engendrée par le numérique et Internet, processus qu'on retrouve aussi bien dans la science où l'augmentation des capacités des machines permettent une meilleure compréhension du cerveau ou du gènôme. Autrement dit, le comportement actuel de la finance, avec ce rôle actif des robots, donne raison à l'approche de Jacques Ellul qui disait qu'il ne croyait pas au capitalisme, mais aux machines. Et, de fait, ce reportage a un accent ellulien. Il désigne l'horizon future d'une lutte authentique contre le finance: le luddisme. En clair, il faudra faire comme l'astronaute dans le film 2001: débrancher l'ordinateur.
Ce que laissait penser l'émission, c'est donc que la capitalisme actuel, financiarisé, nous échappe, de même qu'internet échappe aux autorités (par exemple quand une vidéo de meurtre et de dèpecage circule sur le réseau). Il échappe à notre raison, et à notre pouvoir d'action, donc à la politique. Un jeune me disait récemment lors des dernières élections présidentielles: pas la peine de voter, le pouvoir c'est l'argent et l'argent c'est du virtuel. Bref là encore l'influence d'Ellul se fait sentir, qui parlait d'illusion de la politique dans les sociétés industrielles et technologiques avancées.
Comme le capitalisme financiarisé produit de la réalité, en tant qu'il provoque une accélération de la réalité, alors la réalité nous échappe. Nous devenons tous des personnages d'un roman de Philip K. Dick.
On en vient à de se demander si aujourd'hui la finance ne se confond pas avec la technologie.
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