Saturday, January 08, 2011

Au sujet de Stéphane Hessel et du succès de son livre

Il ne faut pas se méprendre! La petite levée de boucliers, fort prévisible, que commence à susciter le bouquin d'Hessel ne concerne pas tant la personne de l'auteur ni même son message que son succès incroyable. ( A cela s'ajoute bien sur la défense sans ambiguïté du peuple palestinien et la condamnation non moins claire de la politique menée actuellement par l'Etat d'Israël)
La question qui se pose donc: est ce que le succès de ce livre corrompt et galvaude son message? Il est vrai que voir ce vieux monsieur arpenter tous les plateaux télé et prêcher la bonne parole, entouré de people l'écoutant religieusement, peut susciter une certaine perplexité. Mais c'est je crois lui faire un mauvais procès.
Il est clair que ni Hessel ni même ses éditeurs n'ont à ce point prémédité ce succès. Au départ, ils ont simplement voulu publier un discours fort et vibrant que Hessel avait prononcé lors d'un meeting. La réaction enthousiaste du public a été confirmée par l'engouement des lecteurs.
C'est simplement une parole qui touche les gens aujourd'hui, qui sont en colère face à l'état de la société et l'action de ses dirigeants. Cette parole jouit d'un crédit d'autant plus fort que son auteur est un ancien résistant et ancien déporté. Et c'est un appel à l'action, à l'initiative, un refus de la résignation et de l'impuissance. Or je crois que l'impuissance est le sentiment le plus fortement ressenti actuellement par tout le monde: l'aquoibonisme. ( Ce qui est paradoxal car nous sommes dotés de moyens techniques très puissants). C'est ce sentiment auquel ont du faire face certains résistants pendant la guerre : vous ne pouvez rien y changer! et qui est entretenu et maintenu par nos idéologues anti-Hessel (l'acceptation enthousiaste de l'impuissance est clairement le message d'un Luc ferry, philosophe officiel et caution intellectuelle de la bourgeoisie d'affaires)
Reste la question de l'indignation, qui certes ne se fait pas sur commande. Mais ce n'est pas du tout le propos d'Hessel. Le terme est parfaitement justifié. Hessel l'a choisi en fin connaisseur de la poésie; ce qu'apparemment nos "raisonneurs", tel Cyrulnik ou Assouline, sont incapables de comprendre. L'indignation, vive émotion face au mal, est bien le moteur de l'engagement. Trop de raison ou de connaissance sont au contraire des freins à l'action.
La résistance française a eu un lien fort avec la poésie, d'où l'usage des poèmes de Verlaine comme messages codés à la radio. Ainsi Hessel, en parlant d'indignation, se réfère clairement à un héritage poétique. On pourrait citer Le poète latin Juvénal " A defaut de talent, c'est l'indignation qui fait le poète" jusqu' à Victor Hugo invoquant "la muse indignation" pour écrire les châtiments contre Napoléon III. L'indignation est donc un sentiment poétique et politique, qui imprègne complétement le slogan du Conseil de la résistance "Créer c'est résister" (en grec poésie signifie création). Assurément Assouline, Ferry, Cyrulnik n'ont pas le moindre rapport avec la poésie.

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